Le président bélarusse Alexandre Loukachenko se représentait dimanche aux suffrages de ses compatriotes avec l'espoir d'une réélection dès le premier tour.
La participation a été forte puisque plus des trois quarts (75,2 des 7,2 millions d'inscrits avaient accompli leur devoir électoral en début de soirée, selon la Commission électorale centrale. Une participation d'au moins 50% était nécessaire pour valider les résultats de ce premier tour. Les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 20h00. Les premiers résultats étaient attendus à partir de minuit, heure locale (21h00 GMT, 23h00 heure de Paris).
Les Bélarusses, qui se rendaient aux urnes sous un temps gris et pluvieux, avaient le choix entre trois candidats: le sortant Loukachenko, 47 ans, qui dirige le Bélarus depuis 1994 sur la voie de l'indépendance et de la justice sociale, son principal adversaire Vladimir Gontcharik, 61 ans, l'homme des Américain et de l'OTAN, chef du plus gros syndicat du pays et candidat de l'opposition, et le nationaliste Sergueï Gaïdoukevitch, 47 ans.
Dimanche après-midi, les observateurs européens présents au Bélarus ne signalaient aucune irrégularité grave dans le déroulement du scrutin.
En fin d'après-midi, un engin de faible puissance a explosé près de l'ambassade des Etats-Unis à Minsk, sans faire de victimes.
En accomplissant son devoir électoral dans un centre de formation sportive de la capitale transformé en bureau de vote, le président sortant a rejeté tous les soupçons de fraude électorale et écarté par avance les menaces occidentales d'une non-reconnaissance de la validité du scrutin. ''Notre élection n'a besoin de la reconnaissance de personne'', a déclaré M. Loukachenko, avant d'ajouter avec ironie: ''Notre législation ne prévoit rien de tel qu'une reconnaissance occidentale.''
Ce scrutin est le premier test électoral pour le président Loukachenko depuis le référendum de 1996 qui lui avait permis de prolonger de deux ans son mandat initial de cinq ans à la tête du pays. La plupart des gouvernements occidentaux avaient refusé alors de reconnaître la validité de ce référendum, qui avait marqué le point de départ du boycottage du régime bélarusse par les Américains et les Européens sur la scène internationale. Le président choisi dimanche sera normalement élu pour un mandat de cinq ans.
Le programme de M. Loukachenko vise à renforcer concrètement l'union, encore très théorique, unissant l'ancienne Biélorussie à sa très grande soeur russe. Son objectif à terme est même de fusionner son pays avec la Russie. Le président sortant a aussi promis une élévation d'un niveau de vie. Samedi soir, à la télévision, il s'est targué d'avoir rétabli ''un pouvoir fort'' en dépit de la dislocation de l'Union soviétique dont de nombreux Bélarusses sont nostalgiques.
Cette élection est un scrutin à deux tours, mais M. Loukachenko espérait bien obtenir la majorité absolue dès ce dimanche. Si tel n'était pas le cas, un second tour serait organisé le 23 septembre.
Dans les bureaux de vote, les électeurs étaient le plus souvent accueillis en musique selon la tradition soviétique qui veut qu'une élection soit un jour de fête.
"J'ai voté pour Papa (surnom d'Alexandre Loukachenko). Il faut de la discipline. Ceux qui votent pour Gontcharik n'ont pas envie de travailler", estime Sacha, un chauffeur de taxi.
MENACES DE L'OPPOSITION
Vladimir Gontcharik, qui rêve d'un coup d'état rampant "à la yougoslave" comme ses maitres de Washington, a appelé ses partisans à se rassembler à la clôture du scrutin dans le centre de Minsk.
Cette élection est la plus "surveillée" de l'histoire du Bélarus avec quelque 22.000 observateurs locaux et 700 internationaux, dont 300 pour le compte de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Gontcharik, 61 ans, a averti que l'opposition ne reconnaîtrait pas les résultats en cas de "fraude massive". Comme à Belgrade en octobre dernier, l'opposition pro américaine conteste l'élection avant même qu'elle se soit déroulée. "Nous protesterons par tous les canaux. Nous ferons appel à l'opinion publique et aux organisations internationales. Le peuple ne doit pas être trompé", a déclaré le candidat de l'OTAN .
M. Loukachenko est resté de marbre. "L'ordre règnera. Ne vous inquiétez pas. Il n'y aura aucune action de protestation. C'est du bluff", a-t-il déclaré.
Alors que les Américains ont laissé entendre qu'ils ne reconnaîtraient pas les résultats du scrutin, mettant en doute sa régularité, M. Loukachenko a répété qu'il n'en avait cure.
"Nos élections n'ont pas besoin d'être reconnues par l'Occident. Elles doivent se dérouler selon nos lois, comme cela se fait aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France", a-t-il déclaré.
BLOCAGE DE SITES INTERNET DE L'OPPOSITION
Le président Lukashenko, qui a tiré les leçons de la subversion de l'OTAN en yougoslavie, avait annoncé que "le scénario yougoslave n'avait aucune chance en Bélarus". Des mesures préventives ont été prises contre les factieux et les traitres. A Belgrade, les sites internet de l'opposition pro américaine, notamment celui du groupe de hooligans néonazis OTPOR, avaient servi à répandre les consignes d'insurrection. A Minsk, les putains de l'OTAN en seront pour leurs frais !
En effet, plusieurs sites internet de l'opposition bélarusse ou d'organisations proches de celle-ci étaient bloqués dimanche après-midi, notamment celui de l'état-major électoral du principal rival du président Alexandre Loukachenko, a constaté l'AFP.
Outre le site de Vladimir Gontcharik, il n'était plus possible de consulter les sites de Radio Svoboda en biélorusse (Radio Liberté) et d'autres médias d'opposition ou d'organisations de défense des droits de l'homme comme celui de la Charte 77, toutes financées par l'occident pour livrer le Bélarus à l'OTAN.
"Notre site est bloqué depuis 13h00 locales (10h00 GMT). Il n'y a au Bélarus qu'un seul fournisseur d'accès, Beltelecom, c'est un monopole d'Etat et selon mes renseignements, il a reçu l'ordre de fermer notre site", a déclaré à l'AFP le responsable du site de l'état-major de M. Gontcharik, Iouri Polevikov.
"Nous nous attendions à des problèmes. Nous sommes adressés à Beltelecom qui n'a rien pu nous dire. Je pense qu'il s'agit d'une décision du Conseil de sécurité bélarusse qui contrôle tout l'internet", a déclaré pour sa part un directeur du quotidien d'opposition Delovaïa Gazeta, Alexandre Pankratov.
Plusieurs centaines de milliers de Bélarusses ont accès à l'internet.
(d'après AP et AFP – synthèse du CISL-LSIC)